domaine de frévent

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mercredi 2 novembre 2016

Comme un misérable...


Accueillir… Voilà un mot devenu très à la mode dans notre quotidien et qui pose tout une panoplie de réflexion liée à l’actualité.
Si dans la problématique nationale il entraîne une pensée sur le nombre, pour mon activité il est le reflet d’un savoir-faire.
La question n’est pas de savoir combien, mais comment être le plus agréable possible face à l’arrivée des gens dont la personnalité est très hétéroclite. C’est une discipline qui requiert d’avoir le sens du contact humain.
Quand vous posez le pied par terre à Frévent, c’est généralement la maîtresse de maison qui vient vers vous …


' Bonjoooour, messieurs dames…'

Le ton est jovial, presque chantant, le sourire est généreux. Même si vous êtes de mauvais poil, une bonne humeur vous envahit et vous commencez à penser que tout va bien se passer.
Cet accueil chaleureux est accompagné d’une gestuelle élégante et surtout d’une voix portante, signe d’une convivialité sincère et authentique. Vous remarquerez peut-être qu’à ce moment-là, la forêt réagit un peu comme au premier coup de fusil à l’ouverture de la chasse. Dès que résonne le son de sa voix… Silence absolu dans les arbres. Les oiseaux se taisent, les insectes s’arrêtent de voler et plus personne ne bouge pour comprendre au plus vite s’il faut se mettre à courir et dans quelle direction partir. Même le vent s’arrête de souffler. Puis, quand tout ce petit monde est rassuré, le brouhaha revient lentement agrémentant vos discutions… la vie reprend.


Avec moi, c’est un peu différent. Attention, n’allez pas croire que je ne suis pas heureux de vous recevoir et que pour cela je vous réserve un accueil des plus pourri mais… C’est différent !
Le sourire est moins marqué, le geste moins expansif et la voix se fait plus discrète. Je suis moins jovial que mon épouse et je m’en excuse. C’est un tempérament qui peut facilement jouer de mauvais tour quand on exerce le métier que je fais, même si l’on se rattrape sur bien d’autres choses.

Je me souviens d’une cliente que j’avais reçue l’an dernier, qui s’est empressée de m’écrire un petit mail après son départ me précisant combien elle avait été déçue du manque de sourire que je lui avais réservé lors de son arrivée. Il est possible en effet que ce jour-là je n’avais pas fait beaucoup d’effort et je m’en suis excusé auprès d’elle, ce n’était pas volontaire de ma part.
Cela n’a pas suffi à la réconcilier… elle est restée fâché !

Cette expérience m’a laissé un goût amer car on ne peut pas aller contre nature. Alors à défaut de m’entrainer à vouloir diffuser un sourire forcé (ce qui ne m’irait pas du tout croyez-moi) j’ai préféré laissé mon épouse se charger des arrivées clients.
Mais, mais, mais… Vous pouvez de temps à autre encore tomber sur moi ! Vous me reconnaîtrez sans difficulté en me voyant arriver de loin et ne pourrez pas vous tromper sur qui va vous recevoir. Préparez-vous !

L’allure déglingué, les vêtements démodés, les godillots éclatés… c’est moi. Bien souvent en plein travail, je peux vous recevoir en sueur, totalement décoiffé, mains sales souvent blessées. Je ne peux rester à vous attendre sans rien faire et comme mes actions nécessitent souvent d’être équipé comme un misérable… (N’y voyez là aucune allusion au flux migratoire où les rôles seraient inversés, l’habit ne fait pas le moine dit-on !)

Je m’aperçois d’ailleurs qu’au moment où je vous écris, je porte une chemise que je portais déjà il y a trente ans (grande qualité). Et quand j’y pense, j’ai encore dans mon armoire à chaussures celle que je portais quand j’allais à l’école en moto. Ça s’appelait des ‘camarguaises’ et c’était ma maman qui me les avait acheté. Elles sont encore Nickel ! Je devrais peut-être les remettre, il parait que les années 80 redeviennent à la mode !
Comme vous pouvez le constater, je suis plutôt du genre conservateur.


Bon et sinon, vous venez de loin ?

     Non.

(Ah !)
Quelque fois ça coince un peu et l’accompagnement à votre chambre peut se faire en grande discrétion. Peut-être est-ce ma tenue qui refroidit le dialogue. Je n’insiste pas ! Je devrais peut-être…

Vous êtes de la région ?

     _ Des Yvelines, près de Mante la jolie, vous connaissez ?
 
(Eh bien voilà, là il y a de matière !)
Je connais bien en effet, c’est au-dessus de Versailles ?

     _ C’est ça, la banlieue Ouest de Paris.

Pas trop de circulation pour venir jusqu’ici ?

     _Si beaucoup, il y avait des bouchons à la hauteur de…

Et glou et glou et glou glou glou… Le dindon arrive et attire l’attention.
Voilà de quoi faire oublier mon apparence physique, car au contraire de moi, cet animal est toujours sur son ‘31’. L’œil vif, le regard stupide, il déploie sa belle roue et défile devant nous avec son goitre dégoulinant. Les pensées deviennent gaillardes.

Il m’accompagne souvent quand je vais sur le parking. Il comprend que sa mission est de faire diversion. Dire qu’on me conseille de le passer à la casserole depuis cinq ans maintenant, alors qu’en définitif il s’avère être un fidèle compagnon d’accueil. Mais je dois me méfier quand même, car le volatile exalté par l’attention particulière qu’on lui porte, fait vite de projeter une attaque sournoise.
Alors je le fais partir et reprend la main avant qu’il ne devienne agressif.

Voici donc un exemple de ce que peut-être un accueil chaleureux avec moi.
Qu’en pensez-vous ?
Un peu gauche je l’admets, pittoresque je l’espère. Assez en tous cas pour vous mettre à l’aise et vous réchauffer le cœur tout au long de l’accompagnement dans vos locaux.

     _ J’espère qu’on n’est pas trop en retard !

Noooooon !
(avec le sourire)

Mais la prochaine fois… soyez à l’heure ! (rire)


Hervé

2 commentaires:

  1. Sortant de mon lit de la Brigandine, je poste ce commentaire pour vous dire bravo pour votre très beau domaine et vos aménagements.
    Quel travail j'imagine ! Mais cela porte ses fruits.
    Et les noms sont très biens choisis :-)
    C'est qud même pas faux que "Dague à rognons" ne serait pas sans risques pour une certaine clientèle... :-) Mais ce serait marrant pour l'autre !
    Je vous recommande chaleureusement, en tous cas.

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  2. On ne se connaît pas mais ma fille sortant de chez vous m'a vanté vos mérites. Alors je vous adresse ce message d'encouragement à rester tel que vous êtes. Mais j'ai une pensée néanmoins pour la courageuse qui vit à vos côtés et qui en une seule phrase de votre part laisse entrevoir d'énormes qualités.
    En tout cas bravo !
    Un futur curieux néandertalien.

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